Bien chère yogini, bien cher yogi,
Il y a deux semaines j’évoquais avec vous le concept du Vinyasa. J’avais développé comment il pouvait (devait?) s’appliquer dans notre pratique de yoga Iyengar®, davantage perçue comme une pratique marquée de nombreuses interruptions avec des postures exécutées de manière séparée. Je ne vous refais pas l’histoire, même si c’est tentant 😉. En résumé (quand même), je vous expliquais qu’une posture portait en elle son propre Vinyasa, en excluant les postures refuge ou de référence, qui en constituent bien souvent le départ et l’arrivée (Tadasana, Dandasana, Savasana). De plus, chaque posture laisse son empreinte (concept de l’empreinte) embarquée dans la posture suivante.
Avec ces deux petites semaines de recul, et ces concepts mis en lumière, votre pratique a t-elle un petit peu changé? Oui? Non? En vérité, cette histoire de fluidité, ça y est le mot est lâché, est ma “bataille”, en tant qu’enseignante.
D’ailleurs, la fluidité s’exprime aussi dans nos vies. Personnellement, j’évolue vers cette recherche de flow, sans vouloir (trop) forcer des évènements qui s’emboîtent mal ensemble. Je mets en veilleuse mon Pitta contrôlant, cherchant à ordonnancer les choses pour céder à la volupté du lâcher prise et du flux au gré des synchronicités. Ce processus est en marche depuis un certain temps. Ce flux, très élément Eau (Apa) apporte de la douceur, un enrobage sécuritaire et confortable autour de nos actions. Un adage populaire nous dit que “la vie n’est pas un long fleuve tranquille”. Notre vie de yogi n’est-elle pas dédiée justement à absorber les aspérités, le chaos, de la manière la plus douce et la plus fluide possible?
Notre posture du jour, Virabhadrasana 3, est aussi un bel exemple de Vinyasa. Je l’ai enseignée lundi et mardi et me suis aperçue que des élèves qui connaissaient leur Virabhadrasana 1, le perdaient complètement à l’aller comme au retour de Virabhadrasana 3. Comme quoi un guerrier peut en tuer un autre! 😂 Et c’est aussi un sacré coup de canif dans notre Vinyasa! Cela signifie aussi que l’enchaînement des postures peut perturber les pratiquants qui en perdent leurs fondamentaux. Ceci dit cela ne risque pas d’arriver aux pratiquants de Vinyasa qui n’ont pas de fondamentaux posturaux (dans la majorité des cas). Cette pichenette était un peu trop facile, excusez-moi!
Pour vous rafraichir la mémoire, voici “le passage” de Virabhadrasana 1 à Virabhadrasana 3:
Il faut se servir de la jambe avant comme support pour bien étirer le buste et les bras.
Autre exemple de Vinyasa: la posture de Prasarita Padottanasana de la semaine dernière, préparait bien à Virabhadrasana 3. Je sais qu’a priori vous ne voyez pas le rapport entre ces deux postures. Comment comparer une posture incarnant la stabilité avec 5 points d’appui (2 pieds, 2 mains et la tête au sol), avec une posture d’équilibre hors sol sur une jambe? Souvenez vous que j’ai axé Prasarita Padottanasana sur la phase intermédiaire dos concave avec absorption des omoplates et extension du devant du corps. Ceci va grandement vous servir pour votre Virabhadrasana 3! Sans compter le concept du Pada (le pied) et de l’assise. En Virabhadrasana 3 si la conscience du pied au sol se perd, on tombe! D’ailleurs le pied de la jambe levée est tout aussi important, comme un gouvernail pour orienter les directions de la posture dans le bon sens.
En sus du concept du Vinyasa (que vous commencez à bien intégrer n’est-ce pas? Rassurez-moi! 😉), Virabhadrasana 3 met en relief un autre concept, cher à notre cher Maître, celui de la recherche du centre de gravité.
La recherche du centre de gravité
Il y a un terme usité en anglais et en yoga “core” qui signifie le coeur, le noyau, ou le centre. B.K.S Iyengar expliquait dans Astadala Yogamala volume 7, que le centre de gravité n’est pas le même pour chaque posture, puisque chaque asana a une forme différente. Par exemple en Tadasana, si le poids du corps est réparti de manière inégale sur les deux jambes, le centre de gravité change. Guruji explique que si dans une posture la poitrine se ferme, il s’ensuit une perturbation émotionnelle. Parfois, un état de dépression, d’anxiété ou de peur peut faire écrouler le corps et changer le centre de gravité.
Ainsi “ Chaque asana doit être pratiquée de manière à s’aligner au coeur, au centre, afin d’expérimenter l’infini en soi.”
“Si la position du corps est correcte dans l’asana, la stabilité émotionnelle en découle”. Alors, dans virabhadrasana 3, il y a du travail car le plus souvent, la présentation de la posture est “chateau branlant” 😂!
Dans chaque posture, je suis à la recherche du “secret”, le “truc” , la clé, qui fera que tout sera en place. Parmi tous les points clés que nous connaissons, il y en a bien un, majeur, qui devrait déclencher tous les autres. J’en suis venue à la conclusion que c’est la recherche du centre de gravité, qui définit véritablement l’identité de chaque posture, et nous sert de boussole pour accomplir une posture juste.
Comment savoir que l’on y est parvenu?
Il ne suffit pas, en Virabhadrasana 3 de tenir l’équilibre. Remarquez, ce n’est déjà pas si mal 😊.
Le Hatha Yoga Pradipika (I-17) explique que notre pratique doit nous apporter de la légèreté dans le corps et dans l’esprit (angalaghvam). B.K.S Iyengar nous incite à éviter que le corps ne s’affaisse, devienne lourd ou ballote. C’est le secret pour ressentir cette légèreté à la fois physique et mentale.
J’adore ce rappochement entre centre de gravité et légèreté ❣️
Dans Virabhadrasana 3, l’une des erreurs les plus communes est le grand plongeon: les yeux, les bras, le buste sont attirés de manière naturelle vers le sol, cèdant à la gravité. Il convient donc de lutter contre la gravité. Je vous invite à mémoriser comme un mantra:
le regard vers l’avant (les yeux sont les premiers à plonger)
les omoplates vers le sol (en descendant le buste elles remontent naturellement)
les bras vers le haut (ils doivent aller à l’encontre de la gravité et résister vers le haut
Obesrvez cet alignement sur un même plan, bras, buste, jambe. Observez aussi comment la posture est “posée”. Nul doute que le centre de gravité a été trouvé!
Alors, quel est le centre de gravité en Virabhadrasana 3?
Je vous parle selon mon expérience. Il n’est pas garanti que j’aie raison et que vous deviez me suivre absolument. On m’a naturellement enseigné Virabhadrasana 3 avec de nombreux points à respecter mais la notion de centre de gravité n’a jamais été abordée directement (ou bien je n’étais pas là à ce moment là!).
J’ajoute que Virabhadrasana 3 est une posture en trompe l’oeil 🤨. On la voit déployée, les bras étirés en avant et la jambe levée étirée en arrière, en application du concept des opposés (vous vous souvenez de celui-ci n’est-ce pas: à chaque mouvement dans une direction on doit actionner un mouvement dans le sens contraire pour atteindre l’équilibre). En vérité, ce que l’on ne voit pas (et qui est évidemment le plus intéressant), c’est la concentration des forces à un certain endroit. Il n’est pas étonnant, pour un guerrier, de rassembler ses forces 😏!
Pour moi, le centre de gravité se situe dans la région du bassin. Cela tombe bien car cela nous amène au centre du corps. Je précise que Virabhadrasana 3 est une posture difficile pour moi, avec une hanche qui fonctionne mal. C’est pourquoi, j’ai cherché à minimiser mon inconfort et à compenser une certaine faiblesse dans la région du bassin.
Je reprends ici ce qui me semble (le plus) difficile dans cette posture:
la stabilité
l’étirement vers l’avant: avec le phénomène du plongeon cette dynamique vers l’avant est perdue, le buste se rétrécit, laissant la place à un guerrier peureux 😂
La réponse à ces deux points réside en une action, elle aussi invisible: Ashvini Mudra ou le sceau du cheval. Ne faut-il pas offrir une monture à notre guerrier?
Ashvini Mudra en réponse
Ashvini Mudra consiste à aspirer le sphincter anal ce qui résulte en une activation du muscle pubo-coccygien. Bonne nouvelle: cela renforce le périnée! Il en résulte:
un gainage interne du bassin
une succion des têtes de fémur vers l’intérieur comme si on était embroché. Cela aide à garder le bassin aligné sur un plan horizontal
une dynamique depuis notre racine vers la tête ce qui participe grandement à la nécessité d’étirer le devant du corps vers l’avant
Faeq Biria nous citait souvant la “bouche anale”. En Caturanga Dandasana il nous commandait de l’aspirer dans le cerveau. On retrouve exactement l’action nécessaire à Virabhadrasana 3. C’est pourquoi, bien que, de prime abord, vous ne puissiez pas voir le lien qui existe entre ces deux postures, je place Caturanga Dandasana en posture soeur de Virabhadrasana 3. La même action de concentration et de mobilisation des forces doit être menée. On y retrouve également les forces opposées avec les talons qui résistent en arrière. L’action des cuisses, et plus précisément du haut des cuisses loin du sol se retrouve dans Virabhadrasana 3 lorsqu’il s’agit de lever la jambe arrière.
Si vous avez des doutes, j’ai trouvé qu’il a été démontré, “à l’aide d’un PCE- SCANNER (procédé qui visualise les champs cérébraux et corporels sur un ordinateur), qu’il y a un lien direct entre l’activation du muscle pubo-coccygien et le cerveau. Son activation permet de libérer une énergie fondamentale et originelle située à la base de la colonne vertébrale. Effectuée dans une posture correcte, la tension de ce muscle favorise le passage de l’énergie vers le cerveau par le biais de la moelle épinière. Il s’agit de créer l’effet d’une pompe qui provoque l’activation des neurones et des zones cérébrales en majeure partie inactives. Sa pratique régulière renforcera ce muscle et tonifiera l’ensemble du système nerveux. L’hypophyse et la glande pinéale seront particulièrement redynamisées”
Ainsi Ashvini Mudra active les neurones de notre guerrier!
Mais ce n’est pas tout! Ashvini Mudra amorce ce mouvement vers la tête et une mobilisation des organes abdominaux qui se trouvent engagés sous une forme de Uddiyana Bandha.
Uddiyana Bandha en complément
Si vous observez la photo plus haut, vous pouvez constater que les organes abdominaux sont aspirés à l’intérieur du corps. Ils remontent vers l’estomac pour suivre la trajectoire impulsée par Ashvini Mudra. Là, vous comprenez ce que signifie le terme “core” ou coeur, ou centre, ou noyau. C’est là que se trouve notre centre de gravité. Cette mobilisation interne sera d’autant plus puissante que le reste du corps sera, disons, plus faible. Des Pitta uniformément musclés auront peut-être un besoin moins crucial de ces mouvements internes.
Comment pprivoiser ces actions pour préparer Virabhadrasana 3?
La meilleure posture (une autre soeur! la famille s’agrandit 😏) sera Utkatasana
Les actions de Utkatasana pour préparer Virabhadrasana 3
Cette posture communément apellée la chaise, signifie litéralement: sauvage, puissant, effrayant, féroce. En creux, elle appelle à une mobilisation et concentration des forces. C’est une posture compacte. L’action de Ashvini Mudra aide à enrouler les os des fessiers ce qui allonge le bas du dos. Le poids du corps est ramené sur les talons, les viscères sont aspirés pour donner cet élan d’élévation. Observez l’étirement des bras dans le prolongement du buste: bassin compact, haut du dos absorbé, poitrine ouverte et regard vers l’avant. Il y a du Virabhadra dans Utkata! 😂
Une posture dans l’histoire Indienne
Je sais que la posture du guerrier peut sembler incongrue dans l’Univers du Yoga qui penche aujourd’hui le plus souvent vers une recherche de douceur et de confort (en excluant ceux qui sont attirés par le “work out”).
L’histoire et la philosophie indiennes sont marquées par les récits de batailles, la plus célèbre étant celle du Mahabharata. Cette bataille est le théâtre du célèbre dialogue entre Arjuna, le guerrier, et son cocher, Krishna. Ce dialogue est au coeur de la Bhagavad Gita.
Arjuna incarne les qualités du guerrier (kshatriya), vaillant et intègre. Imaginez son char, planté au mileiu du champ de bataille (le centre de gravité? 😂. Il doute, il vascille, il s’angoisse, quand il réalise que dans le camp qu’il doit combattre se trouvent amis et famille. Krishna essaie de le convaincre, au nom du respect du dharma, de l’ordre et de la justice. C’est une scène d’un autre combat: celui entre individu et univers, humain et divin. La Bhagavad Gita enseigne le détachement des fruits de l’action, ou comment faire pencher l’affect vers l’abandon. La Bhagava Gita place également l’action au premier plan car la non action n’est pas la solution, et l’être humain ne peut se passer d’agir, verbalement, mentalement ou physiquement.
Virabhadrasana 3 est certainement un appel vers plus de vaillance et d’ardeur pour le bien universel.
Revenons à la posture.
Virabhadrasana 3, le 3 ème guerrier, est la posture la plus difficile des trois. Oui! Mais ce n’est pas tant l’équilibre qui représente le défi apparent numéro un, que son intensité, au sens concentration. J’aimerais que vous ressentiez Virabhadrasana 3 comme une posture abdominale. D’ailleurs, pour que vous perceviez bien cette mobilisation organique, j’ajouterai au palmarès Lolasana, équilibre sur les mains. Voilà la 3ème soeur de la “fratrie” 😂
Oulala, regardez ce regard concentré vers l’avant et la mobilisation des organes abdominaux. N’ayez crainte, vous pourrez prendre des briques pour vous élever, voire même deux chaises. Le travail puissant des bras les rendra plus légers pour Virabhadrasana 3. Il y a du Utkata dans Lola! 😂
Le plus souvent, pour apprivoiser Virabhasdrasana 3 on utilise des supports: mains ou pied sur le mur ou sur la chaise. Tout cela est juste. On peut même faire un Virabhadrasana 3 restauratif dans ces conditions. Personnellement, je trouve cela aidant et gratifiant mais cela ne m’aide pas à “toucher” l’essence de Virabhadrasana 3 telle que je la perçois. Il s’ensuit même une pointe de frustration associée à la satisfaction d’être bien alignée et posée dans la posture. Et je n’aime pas être frustrée. je préfère tomber et recommencer et entrer dans la posture de manière traditionnelle, à la dure, comme on dit.
Alors, ce soir, je ne vous proposerai pas une approche avec tous les accessoires et les supports (sauf en alternative si vous en avez besoin, en cas de fatigue ou si indisposée).
Vous venez?
On se retrouve ce soir pour expérimenter à 18H30 ⬇️
Je vous propose de vous connecter à l’essence de Virabhadrasana 3, sans oublier que Vira signifie “héros” ou guerrier et Bhadra “ami”. Allez-vous faire ami-e-ami-e avec la posture? 😊Rassurez-vous, il y aura un temps pour le repos du guerrier!
Pour le cours en ligne:
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Mot de passe : holiways06
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J’ai mis à jour le planning jusqu’au 20 décembre. Je vous invite à réserver vos cours en avance.
Ouvrez le bal en 2025 avec le stage du dimanche 26 janvier à Mouans Sartoux de 9H30 à 12H30
Anticipez en vous inscrivant pour le suivant le dimanche 2 mars à Mouans Sartoux de 9H30 à 12H30
Merci pour votre lecture fidèle. Si vous pensez que mes écritures peuvent intéresser vos ami-es yogi et yogini, n’hésitez pas à partager. 🙏
Je me réjouis de vous retrouver sur le tapis
Namasté
Isabelle
PS: Si vous êtes pratiquant de yoga Iyengar® et que vous n’avez pas encore adhéré à l’AFYI, l’Association Française de Yoga Iyengar, je vous invite à le faire